PIERRE FREDERIC DORIAN

 

UN MAITRE DE FORGES  ILLUSTRE

 

 

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Pierre-Frédéric Dorian
 

D’origine protestante, Pierre-Frédéric Dorian, né à Montbéliard (Doub) le 24 janvier 1814, poursuit ses études dans son pays natal, avant de venir suivre les cours de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne (Il appartient à la promotion 1831, inscrit en tant qu’ « élève libre »). A leur issue, il obtient la direction des quelques usines en Franche-Comté.

 

Les doctrines de son compatriote Charles Fourier (1872-1837) préconisant une organisation sociale fondée sur de petites unités autonomes, les Phalanstères, le séduisent : Frédéric Dorian va alors se lancer dans l’étude de l’organisation et du comportement de ces associations de production, au sein desquelles les travailleurs vivent en communauté. Il séjournera lui-même dans le phalanstère de Condé sur Vestre. Ce séjour sera suffisant pour faire éclore les idées humanitaires qui germaient en lui ; Frédéric Dorian demeurera jusqu’à sa mort épris du bonheur de ses semblables et nourrira toute sa vie des relations amicales trèssuivies avec Victor Considérant, principal disciple de Fourier.

Vers 1847, il est propriétaire d’une des nombreuses petites usines de la vallée du Furens : il produit des faux au lieu-dit « les Balaires », sur la commune de Valbenoite.

En 1849, il épouse à Unieux Caroline, fille de Jacob Holtzer dont il deviendra l’associé en 1860. Il dirige alors l’usine de Fraisses-Unieux qu’il transforme, lui insufflant un développement considérable sous l’impulsion d’un effort vigoureux, après s’être occupé quelques temps de l’unité de production de faux de Pont-Salomon1.

L’influence des doctrines de Fourier lui permettent, maintenant qu’il est à la tête de ces ateliers importants, de s’efforcer d’améliorer le sort des ouvriers : il fonde des écoles, crée des bibliothèques et des infirmeries. Le catalogue de ses réalisations sociales, dressé par Madame Chéry-Naumont nous en offre une illustration précise :

- 1840 : fondation d’une école maternelle dans les aciéries Holtzer d’Unieux, dans un local et pour le compte de l’usine ;

- 1847 : réalisation par Jacob Holtzer à la fondation des aciéries d’Unieux, des premières habitations à bon marché avec la « Grande Caserne » ;

- 1861 : « maisons claires au milieu d’un jardin », début de l’œuvre des jardins ouvriers de la Loire. Cette opération va s’étendre aux autres régions industrielles de France ;

- 29 août 1868 : le Conseil municipal d’Unieux accepte l’offre des aciéries Holtzer et Cie de payer la moitié des dépenses qu’occasionnerait la construction d’une nouvelle école (dirigée par des maîtres laïcs) ;

- 1869 : organisation d’un ouvroir permettant aux filles d’ouvriers des aciéries Dorian-Holtzer de se perfectionner dans la couture, le repassage et la cuisine ;

- 1872 : ouverture d’écoles publiques gratuites pour les filles et garçons avec maîtresses et maîtres, ainsi que le matériel pris en charge par les aciéries Holtzer et Cie (installation au Pont du Sauze). Y sont admis les seuls enfants dont les parents travaillent aux aciéries. Ces diverses écoles fonctionneront régulièrement jusqu’au moment où l’Etat prendra l’enseignement primaire à sa charge ;

- 1877 : création d’une « Société de secours mutuel » aux aciéries d’Unieux, sous le vocable « La Solidarité ». Elle est formée entre tous les employés et ouvriers de l’usine. Tout le personnel et seulement lui en fait partie : c’est une condition d’entrée. La survie de la Société est assurée par une cotisation individuelle mensuelle et une participation de l’usine équivalente au total des cotisations. Une infirmerie est également ouverte dans les aciéries ;

- 27 octobre 1890 : première réunion aux aciéries d’Unieux de la Caisse de retraite (droit ouvert à 55 ans…. et 30 ans de service). Expérience suivie bientôt d’une Caisse de prévoyance ;

1897 : œuvre de coopération de conservation, « la Pensée », créée avec des fonds laissés par testament. Fonctionnant dans des locaux des aciéries, elle assurait épicerie, vins, boulangerie et boucherie ;

- 1er mars 1897 : une bibliothèque populaire créée précédemment aux aciéries d’Unieux est réorganisée. Elle comprend alors 2727 volumes.2

 

Aimé et respecté de tous, Pierre-Frédéric Dorian est élu député en 1863 et 1869. C’est d’ailleurs en cette année 1869 que Dorian donne sa première réception au château qu'il a fait construire à Fraisses, symbole éclatant de sa réussite sociale, à l’occasion de sa réelection en tant que député républicain de la Loire. Albert Boissier note dans ses carnets3 que « lorsque Monsieur Dorian enleva au comte Charpin le siège de député, il y eut de grandes manifestations républicaines. Les plus ardents manifestants à Unieux étaient les peintres qui travaillaient en ce moment au château Dorian alors en construction. En travaillant, ils chantaient des airs républicains et des refrains contre l’Empire. »

Le premier septembre 1870, Mac Mahon capitule à Sedan. Napoléon III est fait prisonnier. Le quatre septembre, sur l’initiative de Léon Gambetta est proclamée la République et est constitué un Gouvernement de Défense Nationale dont fait partie Pierre-Frédéric Dorian, qui occupe le ministère des travaux publics. Il parvint à faire fondre des canons, à fabriquer des fusils et à se procurer des munitions pour une armée de 400 000 hommes. Le 28 janvier 1871, il est chargé avec Jules Favre (1809-1880) des négociations avec Bismarch au sujet de la capitulation de Paris. Le 8 février 1871, élu membre de l’Assemblée Nationale, il quitte le pouvoir avec ses collègues de la Défense Nationale. Mais l’altération de sa santé ne lui permet pas de siéger longtemps à l’assemblée : Pierre-Frédéric Dorian décède le 14 avril 1873 à l’âge de 59 ans, à l’issue d’une carrière bien remplie.

Page extraite de l'ouvrage : "Le Château Dorian, grandeur et décadence d'un chef-d'oeuvre Second-Empire", Renaud Aulagner, éditions Lulu.com, 1994-2012

 

 

1 Consulter à ce propos les ouvrages de Joseph Gourgaud dont « Pont-Salomon, les hommes de la faux » (écrit en collaboration avec Pascal Chambon), ou le roman « la vallée des forges ». .

2 Sans oublier les importantes réalisations sur Pont-Salomon, véritable « laboratoire social » (op. cit.)

3 « Les travaux et les jours, T2 »